De moi un peu par Alain Gérard (alias josepaldir)
Né à Saint-Sauveur (54), issu d'un milieu social perturbé par un père alcoolique, après avoir fréquenté l'école communale, je n'irai pas rejoindre le collège de Cirey. Non, car cette solution, c'est m'avoir à la maison et donc à manger tous les jours. Par contre, interne au Boutet-de-Monvel à Lunéville, c'est pris en charge à 100%. Mais il ne faut pas en revenir trop souvent, le bus ça coûte ! Donc tu reviendras toutes les trois semaines ! C'est ainsi que j'ai grandi avec l'idée que je ne valais pas grand chose. Jusqu'au jour où un professeur du lycée technique décide de m'accorder un tableau d'honneur alors que je suis 15ème sur 35 ! C'est le choc de ma vie (A cette époque, les classements et les remises de tableaux d'honneur sont cérémonieux et solennels). Je mettrai du temps à comprendre que c'est ma remontée de la 33ème place au trimestre précédent à la 15ème qui m'a valu cette distinction (Le trimestre suivant je serai 2ème, ceux d'après 1er). C'est donc à 14 ans et grâce à ce professeur que je prend conscience que je ne suis peut-être pas plus bête qu'un autre. Mais pour autant, le complexe d'infériorité qui était déjà fortement ancré ne s'est jamais vraiment évacué, même s'il ne m'a pas empêché par la suite de me faire élire et réélire maire de ma commune à quatre reprises, ainsi que conseiller général du canton.
La musique
Dans la pièce que l'on appelle pompeusement la salle à manger, trône un poste de radio (pas à galène, mais presque). Il est calé sur une jeune radio qui s'appelle Europe numéro 1. J'y entends quelques fois des airs qui m'attirent ... Un des morceau particulièrement : c'est "It's Now or Never" ou "O sole mio" chanté par Elvis Presley. Nous sommes en 1960. J'ai disposé sur la table des boites en fer et autres boites de fromage et je tape la-dessus avec des couteaux pour faire la batterie.
Je me souviendrai toujours de l'entrée intempestive de mon père dans la pièce et en voyant le tableau, en ressortir aussitôt en disant "Mais il est fou le gosse là !".
Je ne le savais pas encore mais j'étais attiré par les prémices de quelque chose qui allait s'appeler le Rock. Bien des années plus tôt déjà, je compulsais avec passion le dictionnaire de l'école et m'arrêtait sur chaque dessin qui représentait un signe de musique : dièse, bémol, noire, double croche, etc. C'est ainsi que j'ai appris les base du solfège.
Albert CLEMENT, le maire du village, par humanité envers la famille nombreuse GERARD, nous avait accordé un privilège : celui de sonner les cloches. En effet, cela apportait un peu de beurre dans les épinards en contrepartie d'un tirage de corde bi-quotidient, si possible à l'heure exacte. Si j'évoque cela, c'est parce que les occasions de se rendre à l'église (pardon, à l'abbaye) étaient nombreuses. Or, à l'église, il y avait un truc génial qui faisait de la musique. Un jour, j'ai soulevé le couvercle de cet harmonium qui n'était pas fermé à clé et je me suis mis à pédaler. Il y avait des partitions sur les touches qu'il fallait enlever pour pouvoir jouer. Aussi je prenais soin de bien les remettre en place avant de refermer, afin que le titulaire François ROMARY ne s'aperçoive de rien. Mais un jour, j'ai dû commettre une erreur de replacement car François ROMARY s'aperçut qu'on visitait son instrument. Il n'eut pas à enquêter longtemps, les coupables potentiels n'étaient pas bien nombreux. Deux garçons dans le village, et Tiéno préférait les oiseaux à la musique. A mon grand étonnement, cet homme qui me paraissait distant et autoritaire ne me gronda pas. Non, il s'intéressa à moi, et un peu à l'instar du professeur évoqué plus haut, il m'encouragea en me procurant conseils et méthode d'harmonium. Je lui en fut toujours reconnaissant.
Je devins tellement assidu aux rébarbatives montées de gamme que j'y passais le plus clair de mon temps. A la lumière d'une bougie lorsque la nuit tombait, à la chaleur de la bougie pour se réchauffer les doigts lorsque les froids venaient. Une famille aisée avait une maison secondaire dans le village et les deux fils de la famille étudiaient le piano. Aussi, lorsqu'ils y séjournaient, utilisaient-ils l'harmonium comme instrument d'étude. Ils y laissaient entre autres des partitions compliquées, la marche des rois, ouverture de L'Arlésienne de Georges Bizet, la Toccata et Fugue en ré mineur de J.S. Bach. Ils ne les remportaient pas et les laissaient dans l'instrument toute l'année. Et moi, ne doutant de rien, je me mis à déchiffrer l'oeuvre de Bach, mesure par mesure, allant jusqu'à titiller les débuts de la fugue. Evidemment, je la massacrais allègrement mais je me faisais plaisir, et faisais même illusion aux dires de certains visiteurs ...
Plus tard, j'ai ressassé Procol Harum avec, à chaque fois, comme un sentiment de sacrilège à jouer cela en ce lieu sacré. Bien sûr, je convoitais depuis longtemps une guitare. Mais il a fallu attendre que je me procure moi-même quelques moyens pour aller me l'acheter à Lunéville. Je devais avoir 13 ou 14 ans et depuis elle ne m'a jamais quitté, je l'ai emporté partout.
Le 18 RT d'Epinal
On m'avait dit à plusieurs reprises : "A l'armée, si tu peux rentrer dans la musique, tu seras planqué". Planqué ? pas pour tout le monde ! Et pas pour un clairon ! Or à la JS Val, quand j'avais 12 ans, c'est un clairon qu'on m'avait donné pour étude et c'est donc comme clairon que je me suis annoncé au 18 RT d'Epinal. En 1967, le clairon était mis à contribution à 6 heures pour le réveil, à la montée du drapeau, à la relève de la garde et la revue par le colonel, à divers moments dans la journée et à l'extinction des feux. Et comme nous n'étions que 4 ou 5 clairons, les tours de garde revenaient souvent. Bref, clairon, c'était une galère. Comme j'avais une bonne oreille pour compter les mesures et commander les levés de clairons dans les défilés, le chef - presque adjudant - Perrin m'avait promu chef clairon. Mais en vérité, j'étais un piètre instrumentiste qui portait l'embouchure sur le coté des lèvres, et qui avait très souvent des exécutions défaillantes. Dans une formation, ce n'est pas très grave, mais tout seul, c'est dramatique. Or, à la revue matinale par le colonel, j'étais seul pour les sonneries d'usage, garde à vous, ouvrez le banc et refrain du régiment. Je ne comptais plus les "pains" envoyés dans ces moments là. Un matin de l'hiver 67/68, proche de la quille et donc sévissant depuis plus d'un an, j'ai eu la honte de ma vie. J'ai envoyé un refrain du régiment lamentablement foireux ! (C'est vrai qu'il était traitre dans les aigus). Alors que depuis plus d'un an, le colonel me voyait au moins 2 fois par semaine et que je pensais légitimement être connu de lui, il vint vers moi et me dit :
- Il y a longtemps que vous êtes à la musique ?
- Ca fait plus d'un an mon colonel ...
Le colonel, interloqué :
- Et bien, ça ne s'arrange pas !
Grand moment de solitude, qui ne s'oublie pas.
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J'ai été aussi le guitariste de l'orchestre du régiment qui animait les soirées huppées des personnalités civiles et militaires d'Epinal. J'y ai côtoyé d'excellents musiciens passionnés par le jazz. Moi, comme souvent, j'avais un rôle d'arrière plan plutôt discret, limite figuratif, parce qu'on ne peut pas envisager un orchestre sans un guitariste. Je me souviens tout de même des moments particuliers où je n'en menais pas large. Par exemple, lorsqu'on jouait Les neiges du Kilimanjaro, tout le monde s'arrêtait pour me laisser jouer une montée de 3 notes de basse avant d'attaquer le refrain. A chaque fois c'était le stress intégral ...
Cette émotivité exacerbée m'a handicapé toute ma vie.
(Quand je ne jouais pas de malchance. Avez-vous déjà vu un artiste casser une corde de sa guitare en plein concert ? C'est très rare. Et bien moi, une des rares
fois où j'ai pu jouer "Délivrance" au banjo sur scène avec mon fils, j'ai cassé une corde du banjo en plein milieu. Rideau !)
Bien plus tard, je me suis servi de cet acquis militaire pour relancer la Fanfare du Val, mais comme tambour cette fois ! En m'inspirant, comme pour l'orgue, de François Romary qui était aussi un tambour hors pair.
J'avais une attirance innée pour la musique et pourtant aucun gène de prédisposition. De mémoire d'anciens, aucun membre de ma famille n'a été musicien. C'est sans doute la raison pour laquelle cette activité n'est restée qu'une passion car si j'avais quelques facilités, je n'avais pas un grand talent.
SNCF
Au début des années 70, le taux de chômage est inférieur à 3% (il est de 9% en 2018). Professionnellement volage jusqu'à l'âge de 30 ans (8 employeurs), j'intègre la SNCF en tant que conducteur de train en 1978 et ainsi je passe de volage à roulant. Progressivement, je découvre l'accumulation des longues heures à scruter la voie et les instruments de bord. Les longues heures où l'esprit dérive, dérive ... (jaune). Elu maire en 1985, j'ai des projets pour ma commune, racheter les friches industrielles textiles, traiter les bâtiments, les espaces, créer un plan d'eau, aménager l'éxistant. C'est passionnant, exitant et très chronophage. Au point de délaisser d'autres pans de ma vie privée.
J'attaque le début de l'année 2000 très fortement déprimé par la catastrophe provoquée par la tempête Lothar. L'environnement est durablement accidenté, endommagé, voire détruit à 100%. De plus, elle a amputé pour longtemps ma commune des précieux revenus annuels que constituait la vente de bois sur pied. Mais depuis plusieurs années apparaît aussi ce que l'on va vite appeler le principe de précaution. Cela commence par le durcissement des normes de sécurité pour les bâtiments publics et s'étend ensuite à la protection des personnes. Tout le monde ouvre le parapluie, tente de décharger sa responsabilité sur le personnel subalterne ou plus directement sur son collègue. J'ai le souvenir de commissions de sécurité épiques où face au pompier, gendarme, sous-préfet et autres services de l'Etat, le maire se retrouve seul, avec le poids sur les épaules. Fini les projets d'avenir, bonjour le botter en touche !
La période 85 - 89
En 1971, Philippe André est élu maire de Val-et-Châtillon. En 1977, il perd sa réélection et c'est François ROMARY qui est élu maire. A cette époque, les antagonismes sont forts. Ils le resteront d'ailleurs longtemps après ...
Pour ma part, je suis élu conseiller municipal en 1983 sur la liste de Philippe ANDRE. En face, la liste de François ROMARY sans François ROMARY qui ne se représente plus. C'est cette liste qui est majoritaire et c'est un peu sous la contrainte que André MARCELET accepte le poste de maire. Mais en fait, il n'en voulait pas et a tout de suite cherché à s'en débarrasser. Or, sur sa liste il n'y a pas de volontaire. Alors on cherche une autre solution pour dégager A. MARCELET de cette position. On a repéré sur l'autre liste un certain Alain GERARD qui pourrait faire consensus. Car tout sauf P. ANDRE ! C'est ainsi que début 1985, A. MARCELET vient me voir à la maison pour m'expliquer qu'il veut partir et que toute sa liste est prête à voter pour moi. Mais je dois convaincre les gens de ma liste d'en faire autant. Et je dois surtout expliquer à P. ANDRE qui était tête de liste, que tout le monde est prêt à voter pour moi, mais pas pour lui ! Car il me faut son aval.
Passé les périodes de surprise, de réflexion et de contacts, je décide de relever le défi. Je prend mon bâton de pélerin pour monter au château et expliquer la situation à P. ANDRE. L'accueil y est chaleureux comme toujours et je ne sais encore pas aujourd'hui comment j'ai trouvé les ressources pour expliquer la situation. "Et bien, puisqu'il semble que ce soit la seule solution, je vous soutiendrai" finit-il par dire. Je comprendrai vite que si la concession était importante, elle n'était pas dénuée d'arrières pensées, notamment celle de conserver une main mise sur le "jésuite" que j'étais (c'est ainsi qu'il me qualifiera plus tard). Mais c'était mal me connaître.
C'est ainsi que le 07 mai 1985, je fus élu maire de Val-et-Châtillon à une large majorité. La période qui couru jusqu'aux élections de 1989 fut émaillée de problèmes et de polémiques car les joutes avec P. ANDRE se multiplièrent. Comme Je m'opposais à toutes ses tentatives de subordination, les situations devenaient difficiles et explosives. La plus pénible d'entre-elles fut l'épisode du licenciement d'un employé tout juste embauché et impliqué avec le 2ème adjoint dans une vente illicite de ferraille. L'employé en question ne trouva rien de mieux que d'aller s'en remettre à monsieur P. ANDRE qui trouva là une occasion de déstabiliser le maire en criant au licenciement abusif. En fait, il ne fit qu'aggraver le cas de l'employé puisque les prud'hommes me donnèrent raison.
Par ailleurs, le 3ème adjoint, charmant au demeurant, n'était qu'un courant d'air qui disait en réunion de conseil n'être mis au courant de rien. Je précise que les 2ème et 3ème adjoints étaient des inconditionnels de P. ANDRE. Les relations entre ces 3 personnages devenant de plus en plus acerbes, j'ai alors cherché un moyen de me passer du service des 2 adjoints.
Je crois bien avoir été un des premiers a utiliser le retrait de délégations. Le Code des Communes étant mon ami, il disait que les délégations accordées aux adjoints pouvaient leur être retirées et que si ces derniers ne démissionnaient pas, elles pouvaient être accordées à des conseillers municipaux. C'est ce qui fut fait car aucun ne démissionna. Cette situation batarde se poursuivi et devint vite intenable.
Depuis le début, je dis à qui veut l'entendre que si je n'ai pas les bonnes conditions pour travailler, je préfère rester à la maison. Je vais mettre en application cette affirmation. L'article L. 2122-10 du Code des Communes précise que, quand il y a lieu, pour quelque cause que ce soit, à une nouvelle élection du maire, il est procédé à une nouvelle élection des adjoints. Je décide de jouer un coup de poker ...
Je démissionne de mon mandat de maire pour provoquer une nouvelle élection. Le coup de poker consiste en la décision de ne pas être candidat. Si mes collègues m'apprécient, s'ils me font confiance, s'ils comprennent la situation, ils voteront pour moi, même si je ne suis pas candidat.
Je n'ai fait aucun travail de lobbing, je n'ai contacté personne pour expliquer mon attitude. La salle de conseil est pleine à craquer, jusque dans l'escalier. A l'appel de candidatures, tout le monde me regarde. Je ne bronche pas, ne dis pas un mot. Roger Chopinez fait acte de candidature et est donc le seul candidat. Au dépouillement des votes, c'est moi qui l'emporte. L'opposition, convaincue que c'était dans la poche, crie au scandale, à l'imposture. Deux nouveaux adjoints sont élus dans la foulée.
En représailles, le bal annuel de Familles rurales se fera désormais sans son orchestre de prestige. Il s'appelait Roland Chopinez ...
La campagne des élections de 89 sera animée, comme d'habitude. Cette fois, c'est les électeurs qui vont trancher les différents passés. Moi, je ne me sens pas capable de repartir avec les mêmes personnages. Aussi, dans un document de campagne, j'ai pu dire aux électeurs : "Votez pour notre liste complète, même si certains ne vous plaisent pas. C'est le seul moyen de se débarrasser des perturbateurs".
Par ailleurs, il faut aussi ajouter au contexte la problèmatique des friches industrielles textiles.
Huit hectares en plein centre de la commune, 5000 m2 couvert, la plupart démolis en 87 - 88 car en piteux état, abandonnés et vandalisés qu'ils étaient depuis 10 ans. Tout le monde ou presque avait travaillé dans ces usines. Elles faisaient partie de l'Histoire et même fermées, elles suscitaient toujours l'espoir.
J'avais dépensé beaucoup d'énergie pour expliquer et faire comprendre qu'il fallait passer à autre chose. Mais les électeurs allaient-ils me pardonner d'avoir rasé leurs usines ?
Et bien j'ai été entendu et compris. Ma liste complète est passée. Aucun dans la liste adverses !
Ainsi se terminait la période 85 - 89.
D'aucuns ont pu dire (ou écrire) que mes mandats avaient été émaillés de polémiques. Appelons ça comme on veut. J'ai toujours réagi avec mes tripes quand je me sentais trahi. Et les électeurs m'ont toujours suivi. C'est ma plus grande satisfaction.
Michel Dinet
Le mandat de conseiller général apportera un souffle nouveau. Aider un homme exceptionnel comme Michel Dinet lors de son élection, travailler pour lui, avec lui, fut un des meilleurs moments de ma vie. Lorsque la mise aux normes du collège de Cirey apparaît tellement lourde que son abandon est envisagé, je monte au créneau auprès de lui, arguant du fait qu'il était insupportable de toujours constater la fuite des équipements et services publics. Il m'a entendu : Un collège neuf est né à Cirey. Les parents d'élèves ont-ils conscience qu'ils ont falli mettre leurs enfants dans des bus pour faire 10 km, au mieux, ou 26 km pour Bénaménil ?
Mais la fonction de vice-président est lourde de déplacements dans tout le département. Aussi, fatigué et amoindri par des problèmes de santé, je décide d'abandonner mes mandats électifs. Informé par la bande, Michel Dinet ne l'entend pas de cette oreille et fait le forcing pour que je renonce. Mais ma décision est prise. En collaboration avec mon précieux adjoint Bouquet, une stratégie est mise sur pied (possiblement discutable, j'en conviens). Le but final est d'apporter une précieuse voix à Michel Dinet pour sa réélection en 2008. La date du renouvellement des conseils municipaux (et des conseillers généraux) est prévue en mars 2008. Je démissionne un an plus tôt, en 2007, pour installer un maire, qui aura ainsi une stature de maire pour aller à l'élection du conseil général un an plus tard. C'est ainsi que Josiane Talotte fut élue maire en 2007, puis à nouveau élue maire en même temps que conseillère générale en 2008. Elle pu ainsi apporter sa voix à Michel Dinet (un peu la mienne par procuration, diminuant mon sentiment de l'avoir laissé choir). Notons que Josiane Talotte aura été le dernier conseiller général de l'Histoire, le canton de Cirey ayant disparu.
Vous avez dit tourisme ?
A l'heure des bilans, il y a des satisfactions et bien sûr des regrets. Au nombre de ces derniers, il y a celui de n'avoir pu créer un courant de fréquentation touristique pérenne. Dès mon élection en 85, j'ai prôné un redéveloppement par le tourisme. Mais je prêchais dans le désert. L'empreinte de l'industrie des usines textiles, verrières, faïencières et autres était trop incrustée dans les gènes de mes collègues. Du tourisme ? c'est de l'amuse gueule, ça n'est pas sérieux. Il faut redynamiser, recréer un tissu industriel. Toutes les tentatives ont viré au fiasco. 30 ans plus tard, la prise de conscience existe enfin. La Maison de la Forêt, l'aire de camping-cars sont des réalisations qui vont dans le bon sens. Mais de mon point de vue, il y a 30 années de perdu. Car entre-temps, un courant de fréquentation touristique a bel et bien vu le jour: Il s'appelle Center-parcs, mais hélas, hormis quelques miettes, il n'apporte rien au secteur. Aurait-on pu faire nous-même, plus tôt, aussi bien que Center-parcs ? Non bien sûr, impossible de rivaliser avec un tel groupe financier. Mais en est-on sûr ? L'appel à l'investissement particulier pour de l'hébergement, comme le fait Center-parcs, était tout à fait possible. Il fallait juste montrer l"exemple, prouver que ça pouvait fonctionner. Combien de fois ai-je tenu ce discours devant un auditoire dubitatif ? Pascal Gérard, l'architecte qui a beaucoup travaillé pour la commune, pourrait le confirmer. Il s'en est fallu de peu pour que son père, propriétaire du Domaine des Bans à Corcieux, investisse chez nous. ("Le Domaine des Bans permet à Corcieux de doubler sa population en été" - Vosges matin 05/08/2015). Il a manqué une volonté commune, une envie d'y croire ...
Les grandes gueules
Toujours en matière de fréquentation touristique, un autre regret est celui de n'avoir pu exploiter un thème qui m'est cher depuis longtemps : Le film "Les grandes gueules". Nous avions - et nous avons toujours - tout ce qu'il fallait. L'environnement, la scierie, l'Histoire (les scènes forestières ont été tournées à Saussenrupt), l'accueil restaurant à la Gagère. Il fallait créer un produit touristique. Le lieu culte du film, Le Cellet près de Gerardmer, a quasi disparu. Les vosgiens n'ont pas exploité ni entretenu la nostalgie. Nous aurions dû en profiter.
J'avais des idées précises sur le produit à créer. Il fallait inventer une visite spectacle, à grands renforts de sonorisations et d'éclairages, visites dans la sciure, de la mécanique poulie
courroie, puis projection vidéo d'extraits du film, bref, il fallait concocter un vrai spectacle à sensations, en intégrant des spectacles extérieurs (le raveton de schlitte est juste en face). En 2003, j'avais écrit un
scénario pour Machet ...
C'est José Giovanni qui est à l'origine du film. C'est lui qui avait auparavant écrit le roman "le haut fer". Il n'avait pas hésité à s'immerger dans la faune locale pour entendre, voir et comprendre. Il a pu ainsi retranscrire les particularités vosgiennes qui sont nos racines. Extraits de son commentaire sur le bonus du CD :
Il est amusant de relever que ce que José Giovanni appelle les Hautes Vosges, c'est la vallée de Saussenrupt, du piémont vosgien 54 !
Il y a plus de 20 ans, j'avais développé une vision, un scénario sur le sujet : Du cellet à la scierie de Machet .... Mais je n'ai pas su convaincre et sans doute n'y ai-je pas mis assez d'énergie.
Le musée du textile
Au rang des satisfactions, je pense évidemment à la création du musée du textile. Après le rachat des deux friches industrielles, après les débats animés sur les démolitions et sauvegardes des bâtiments, quoi faire dans les bâtiments de la Cotonnière Lorraine qu'on avait décidé de sauver ?
L'idée d'un musée du textile, à peine formulée, était évacuée illico. Et pour cause, il ne restait rien, tout avait été vendu, ferraillé, jusqu'au dernier boulon.
Cependant, un jour (un soir plutôt) je décide de la remettre sur la table : "Et si on tentait d'en faire un quand même ? Certes, on part de rien, mais il doit bien rester des usines dans les Vosges qui ont des matériels similaires à ceux que l'on avait, non ?" ...
Je me rappelle très bien du silence qui a suivi, de ce moment particulier où, autour de la table, les gens se regardent en se disant "Est-ce sérieux, où met-on les
pieds, vas t-on y arriver ?". Et puis très vite emmergent les avis favorables. La volonté de s'impliquer personnellement aussi.
La mairie de Guebwiller fait savoir qu'une usine textile vient de fermer et que l'on peut récupérer du matériel gratuitement. Une "expédition" est montée avec l'aide précieuse de l'entreprise BARASSI pour le transport de matériel. Et c'est ainsi que les choses ont débuté. Plus tard, une association s'est crée et a pris le relai du conseil municipal.
Mais hélas, alors que des financements exceptionnels avaient pu être trouvés, une grave mésentente avec l'association venait ternir le tableau. Les bénévoles de cette association, anciens du textile, compétents et altruistes, ont fini par s'approprier malgré eux ce projet de musée, au point de ne plus pouvoir le partager et accepter des évolutions pourtant souhaitables. J'avais beaucoup travaillé (et d'autres services également) pour l'embauche d'un permanent (comme l'a fait plus tard la Mason de la forêt). Mais ce fût un échec cuisant qui laissa des trâces ...
Crépuscule
1983, 1985, 1989, 1995, 2001, 2007, 2008, j'ai longtemps vécu au rythme de ces années d'élections. Comment ne pas penser à toutes les personnes qui m'ont accompagné, dont beaucoup ne sont plus ...
Personnes élues | Années d'élections |
---|---|
BOUQUET René | 1983 - 1989 - 1995 - 2001 |
DARDAINE Daniel | 1983 - 1989 - 1995 - 2001 |
GERARD Alain | 1983 - 1989 - 1995 - 2001 |
CHAROLET Daniel | 1985 - 1989 - 1995 - 2001 |
LAMBOUR Michel | 1985 - 1989 - 1995 - 2001 |
BLAISE Michel | 1983 - 1989 - 1995 |
COSTER Jean-François | 1989 - 1995 - 2001 |
GRANDJEAN Olivier | 1985 - 1989 - 1995 |
DARDAINE Jacqueline | 1989 - 1995 |
GUENAIRE Henri | 1989 - 1995 |
ROC Claire | 1989 - 1995 |
FERRON Jean-Marie | 1995 - 2001 |
CONOT Daniel | 1995 - 2001 |
ANDRE Philippe | 1983 |
MARCELET Raymond | 1983 |
MUNIER Bernard | 1983 |
SCHALLER Robert | 1983 |
BONTEMS Raymond | 1983 |
GRANDCLAIRE Pierre | 1983 |
HERY Bernard | 1983 |
ERHART Pierre | 1983 |
GODFROY Claude | 1983 |
CAYET Jean-Lou | 1983 |
LAURAIN André | 1983 |
EHRLE Gerard | 1985 |
GERARD Francis | 1985 |
BECKER Marie | 1989 |
BESNARD Pierre | 1989 |
DENIS André | 1989 |
BESNARD Sylviane | 1995 |
CHOWANSKI Annie | 1995 |
ARSON Yannick | 2001 |
BERNARD Christian | 2001 |
CARO Evelyne | 2001 |
CHOWANSKI Jean-Claude | 2001 |
KEMPER Jean-Michel | 2001 |
SABATIER Brigitte | 2001 |
SCHMITT Marie-Jo | 2001 |
Hommages et merci à eux pour leur soutien.
A l'instar du final du Seigneur des anneaux, j'imagine le bateau qui va m'emmener vers les terres immortelles de Valinor ...